Littérature

Sur la table de chevet de… Francine Ruel

Deux fois par mois, une personnalité publique nous confie quelles sont ses lectures du moment. Cette semaine, l’auteure et comédienne Francine Ruel, qui vient de faire paraître le roman Le promeneur de chèvres chez Libre Expression.

Rien dans le ciel

Michael Delisle

Boréal

« Ah, quel bonheur ! On n’est pas obligés de les lire toutes d’un coup, ces nouvelles. J’avais adoré Le feu de mon père, puis Le désarroi du matelot. J’ai adoré cet auteur-là, que j’ai rencontré aux Correspondances d’Eastman ; j’avais à l’interviewer et j’ai fait une découverte formidable avec lui. J’aime les auteurs qui abordent toutes sortes de formes d’écriture. Lui, il fait des romans, des nouvelles, des récits, de la poésie. Ce qui touche chez lui, ce sont des observations uniques et un souci du détail, puis des personnages hors du commun. »

La reconstruction du paradis

Robert Lalonde

Boréal

« C’est un livre qui vient me chercher. Je suis une amoureuse des maisons. Et de lire sur ce sujet... J’aime beaucoup Robert Lalonde, j’ai à peu près tout lu de lui et là, sa maison est partie en fumée du jour au lendemain. [...] Il dit qu’il a écrit ce livre pour réaliser ce qui lui arrivait dans un premier temps, mais ce qui est formidable, c’est qu’il nous amène à réfléchir à une métamorphose. Comme si faire quelque chose de l’épreuve du feu, c’est presque comme une cure de rajeunissement. Il a de belles réflexions. C’est un très beau livre à lire lentement, parce que même si on assiste à un drame, ce n’est jamais larmoyant, jamais triste. »

Le soleil des Scorta

Laurent Gaudé

Actes Sud

« C’est mon livre de chevet des dernières années, que j’ai relu encore plus dernièrement. D’abord parce que ç’a été une découverte, il y a plusieurs années. C’est un roman solaire, grave et lumineux ; en même temps, c’est profondément humain, c’est lourd de secrets, mais il y a un jour, j’ai éclaté en sanglots à la fin d’un chapitre. Ça m’avait touchée énormément. [...] Les images sont foudroyantes. J’ai envie de dire que ça sent l’huile d’olive, le soleil qui brûle, la sueur... C’est ce livre qui m’a permis d’écrire mon roman Le promeneur de chèvres parce que je l’avais trouvé tellement formidable. »

La collection de moments

Semer le bonheur

Alors que certains enfants collectionnent des roches, des gommes à effacer ou des timbres, le petit Boubou, héros du premier livre jeunesse de Jean-Pier Gravel, amasse une chose bien plus précieuse : des moments. Discussion avec l’auteur, marchand de bonheur à ses heures.

Diplôme de « Gardiens avertis » à l’appui, Jean-Pier Gravel a toujours adoré les enfants. « Ils sont dans la vérité, dit, admiratif, l’ex-animateur de Salut bonjour week-end et de Star Académie. Avec eux, il n’y a pas de bullshit. Ils sont dans les sens. Ils sont dans le moment présent. […] Quand on est avec eux, il y a une facilité de vivre des moments et le thème du livre vient de là. »

Un matin, Boubou et sa mère brisent la routine. Pas de maternelle pour le garçon aujourd’hui. Le duo ira plutôt répandre de la joie autour de lui grâce à de petits gestes tout simples. Un, deux, trois moments de bonheur : c’est le début d’une nouvelle collection. « As-tu le goût de faire comme Boubou et de répandre du doux ? », demande-t-on aux jeunes lecteurs à la fin du livre. Une page de garde les invite à noter leurs actions et à commencer leur propre collection.

« Certains enfants pourraient se dire, si je ne vois pas [la collection], elle ne sert à rien. Mais un des messages sous-jacents de l’album, c’est de dire, oui, la collection est intangible, mais ça a un grand avantage : elle est toujours avec toi. Tu vas pouvoir la transporter, en parler, l’embellir, la faire grandir partout », avance celui qui évolue dans le monde de la télévision depuis 20 ans.

« J’ai essayé de fabriquer le livre que moi, j’aurais aimé avoir à cet âge-là », explique Jean-Pier Gravel. Jeune, il aurait entraîné tout le clan Gravel-Rioux dans la récolte de petits bonheurs, assure-t-il.

L’importance des aînés

Parmi les moments présentés dans l’album, il y a cet instant où Boubou offre une crème glacée à un vieux monsieur croisé dans la rue. « Merci pour cette délicate attention. Je me sentais bien seul, tu viens de faire ma journée », lui répond Roger.

Pour l’auteur, qui est aussi producteur, « c’était une évidence que l’un des trois moments du livre allait mettre en scène un aîné ». « J’ai eu la chance d’avoir mes quatre grands-parents assez longtemps. J’ai été très, très près de ma grand-maman maternelle, Thérèse, qui a été la personne que j’ai peut-être le plus aimée au monde. […] Je trouve ça hyper important, cette relation entre les enfants et les aînés. »

Le « bonneurredifissile »

La collection de moments aborde aussi l’anxiété chez les enfants. Boubou a le « bonneurredifissile », selon ses parents. Du haut de ses 5 ans, le garçon est convaincu que c’est une maladie grave. En semant du bonheur, il guérit peu à peu.

« Quand tu es trop dans ta tête, moi, je l’illustre comme un cœur qui tourne au gris, qui s’éloigne de sa couleur originale, le rouge. […] Lorsque tu vas sortir de cette tête-là pour aller vers l’autre […], ton cœur va se rallumer. »

— Jean-Pier Gravel, auteur de La collection de moments

Dans l’album, la maman parle alors de double magie, car, en créant des moments, le petit garçon illumine la vie des autres, mais la sienne également.

« Boubou, c’est un peu moi à divers âges, confie Jean-Pier Gravel. J’étais une espèce de vieux mononcle grincheux avant son temps. Il y a sept ou huit ans, j’ai décidé qu’il fallait que je la change, cette vie-là. Je n’avais pas envie que ce soit mon chemin. Créer des moments de bonheur pour les autres de diverses façons, c’est ma manière de ramener ce fameux cœur rouge. » En 2019, il a d’ailleurs lancé le Département des moments, entreprise dont la mission est de « concevoir des moments de bonheur sur mesure ».

L’auteur espère que son livre inspirera non seulement les enfants, mais aussi les parents, et pourquoi pas, les enseignants ou les directeurs d’école. « [Des instants de bonheur], c’est tellement simple à faire. J’encourage les gens à passer par-dessus leur gêne. Plongez et vous verrez. D’après moi, les chances sont bonnes que vous aimiez ça un peu plus que vous le pensiez au départ. »

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